Rendez-vous de la chapelle à Le Dorat (Haute Vienne) du 18 au 29 juillet 2021. Suite.
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Rendez-vous de la chapelle à Le Dorat (Haute Vienne) du 18 au 29 juillet 2021. Texte de Yanou Josse.
Le plein, le vide, la trame, René Patron
« Tout le travail qui est là est un autoportrait de ce que je vis ; je suis passé de l’observation du quotidien à l’observation de mon intérieur.» me confiait un jour René Patron.....
Au commencement il y avait l’artiste ; des planches figuratives, agiles, à l’infini, il dessinait.
Et puis l’artiste a laissé ses crayons, ses fusains, privilégiant au point de fuite une échappée belle, pour se lancer à l’assaut de la couleur. La couleur et ses aplats, tout cela dans un geste éloquent prenant le parti d’opposer dans un échange constructif deux ou trois champs de dialogue ; opposer, confronter, éclairer, faire s’entendre ou résonner, unir, désunir ou réunir ? A chaque oeil sa vision, à chaque regardeur son point de vue. Ce fut la première période.... Il y eut une influence, les maîtres de l’Abstraction ; il y eut un style, le sien propre. Mais surtout, il y eut une raison : l’artiste vit que pour lui cela était bon.
La couleur, ses aplats, ces champs qui finiront par se confondre, dans les fils d’une trame généreuse si finement tissée. La couleur qui couvre la couleur et cette autre couleur qui n’en finit pas de venir à bout de la précédente. Et toutes ces autres couleurs qui se disputent l’espace pour finalement, et pour de bon, tenir le fil de la conversation. Une disputation : monochromes pour les uns, faux monochromes pour les autres... ? Ce fut la deuxième période.... Il y eut des expériences, à la fois multiples et singulières ; il y eut une expérience, l’expérience du plein contenu dans le vide. Et l’artiste vit que pour le regardeur cela serait bon.
Et voilà que la trame s’est effilochée, que la couleur a dégouliné, qu’elle a pris ses aises, toutes ses aises. Même les lettres se sont entremêlées, couleur, coulure.... L’âme du peintre s’est libérée. La toile s’est allégée ; elle a laissé s’échapper ce filet de sang pour crier la terreur, ces chaudes larmes pour acclamer la vie, ces rubans entrelacés pour louer la famille, agrémentés de fines lanières vibrant au son de l’imitation, cordes vocales des enfants qui chantent, des oiseaux qui gazouillent, du renouveau qui s’impose, en dansant. La légèreté s’émancipe du plein ; elle s’inscrit dans le vide qui laisse passer l’inspiration, l’insaisissable, le bonheur en un mot que l’on se garde bien d’écrire noir sur blanc. C’est la troisième période.... Il y a le « fil harmonique », l’espace où la note juste se faufile parmi les publics, le trait d’esprit, le trait d’union, la perpétuelle renaissance de l’artiste. Et le regardeur voit que cela est très beau.
Et le regardeur le dit à l’artiste ; mais comment donc... ?! En rentrant chez lui, très ému, bras dessus, bras dessous avec celle qui vient de lui murmurer quelque chose d’intime à l’oreille : l’oeuvre.
Yanou Josse, historienne et écrivain d’art
25 Juin 2021